Beaufort : le trésor fromager discret des Alpes qui rivalise avec le Comté
Dans les supermarchés hexagonaux, le Comté trône fièrement dans les rayons, fort de ses quelque 65 000 tonnes produites chaque année. Affiné avec soin, il se vend entre 18 et 25 € le kilo, selon sa maturité.
Mais dans les hauteurs savoyardes, un fromage cousin, bien moins connu, mérite d’être redécouvert : le Beaufort. Ce fromage à pâte pressée cuite, à la fois raffiné et accessible, affiche un prix généralement compris entre 12 et 16 € le kilo. Derrière sa croûte blonde se cache une richesse aromatique qui n’a rien à envier au Comté.
Moins diffusé – environ 4 500 tonnes produites par an – et plus discret médiatiquement, le Beaufort reste un secret bien gardé, prisé par les amateurs de goût.
Un terroir unique niché au cœur de la Savoie
Le Beaufort n’est fabriqué que dans un territoire bien délimité des Alpes savoyardes, entre 800 et 3 000 mètres d’altitude. Ce périmètre couvre 70 communes de la Tarentaise, du Beaufortain et d’une partie de la Maurienne. Là, les vaches de races Tarine et Abondance se nourrissent d’herbes et de fleurs sauvages, donnant un lait exceptionnellement riche.
Des recherches de l’INRAE montrent que ces prairies de montagne comptent jusqu’à 400 espèces végétales différentes, conférant au fromage ses parfums de fleurs, d’herbes fraîches et parfois d’épices.
Trois variantes pour trois saisons
Depuis 1968, l’AOC Beaufort distingue trois types de fromages selon la période de production :
- Beaufort classique : élaboré l’hiver, à base de lait d’étable (novembre à mai)
- Beaufort d’été : produit lorsque les vaches pâturent librement (juin à octobre)
- Beaufort d’alpage : fleuron de la gamme, fabriqué uniquement en altitude, dans des chalets d’alpage, durant l’été
Le Beaufort d’alpage est le plus recherché pour ses saveurs puissantes et son caractère. Il peut atteindre 20 € le kilo, mais reste souvent plus abordable qu’un Comté d’affinage équivalent.
Une fabrication traditionnelle rigoureuse
Chaque meule de Beaufort est le fruit d’un savoir-faire ancestral. Environ 450 litres de lait cru – soit la traite quotidienne de 25 à 30 vaches – sont nécessaires pour produire une seule roue.
Le lait est chauffé à 33 °C avant l’ajout de présure. Après le caillage, le mélange est découpé, puis progressivement chauffé jusqu’à 54 °C, température légèrement supérieure à celle du Comté. Ce palier thermique permet d’obtenir une texture dense et une excellente conservation.
Affinage en profondeur, arômes en majesté
Affiné en cave entre 10 et 15 °C et sous une humidité élevée (92 à 95 %), le Beaufort est régulièrement retourné et frotté à la morge – un mélange d’eau salée et de ferments. Cette étape est essentielle pour révéler la complexité de ses arômes.
Les meilleurs fromages patientent jusqu’à deux ans avant d’être dégustés. Ils offrent alors une palette aromatique variée :
- Fruits secs, pomme, poire
- Notes florales, type miel ou fleurs de montagne
- Toucher épicé, poivre, muscade
- Parfums animaux, cuir ou foin dans les plus vieux affinages
Un fromage nourrissant et riche en bienfaits
Le Beaufort se distingue aussi sur le plan nutritionnel. Riche en calcium (1 200 mg pour 100 g, contre 1 000 mg pour le Comté), il est aussi une bonne source de protéines et de vitamine A.
Nutriment | Beaufort (100 g) | Comté (100 g) |
---|---|---|
Calcium | 1 200 mg | 1 000 mg |
Protéines | 26 g | 25 g |
Lipides | 32 g | 33 g |
Vitamine A | 280 μg | 250 μg |
Le Beaufort d’été et celui d’alpage, en particulier, sont riches en bêta-carotène, ce qui donne à leur pâte une teinte dorée et des propriétés antioxydantes.
Pourquoi un prix encore plus doux que le Comté ?
Malgré sa qualité supérieure, le Beaufort reste souvent moins cher que le Comté. Cela s’explique par :
- Une production plus confidentielle : seulement 43 ateliers (fruitières) pour le Beaufort, contre 160 pour le Comté.
- Moins de marketing : le Comté bénéficie d’une communication massive, ce qui dope sa demande et ses prix.
- Une distribution ciblée : le Beaufort se vend principalement chez les fromagers spécialisés et via des circuits courts, là où le Comté envahit les grandes surfaces.
Bien le choisir, mieux le savourer
Un Beaufort de qualité présente une croûte dorée homogène, sans moisissure noire ni taches suspectes. Sa pâte doit être souple mais ferme, avec de petites ouvertures horizontales appelées « yeux de lainure », signes d’un affinage réussi.
En cuisine ou sur un plateau : un fromage caméléon
Le Beaufort se prête à toutes les inspirations culinaires :
- Fondue savoyarde : star des mélanges avec Gruyère et Emmental
- Gratins : sa fonte crémeuse surpasse bien des fromages
- Soufflés : il leur donne du corps et du goût
- Tartes salées : sublime les classiques
Pur, il se déguste idéalement avec un vin blanc de Savoie comme l’Apremont ou la Roussette. Pour les rouges, la Mondeuse est un excellent choix.
Le renouveau d’un fromage d’exception
Alors que l’uniformisation guette la filière fromagère, le Beaufort fait figure de bastion artisanal. Ses producteurs misent sur la qualité, la tradition et l’environnement, séduisant une nouvelle génération attachée au « manger vrai ».
Des chefs prestigieux comme Emmanuel Renaut (Flocons de Sel) ou les frères Meilleur (La Bouitte) l’ont intégré à leurs menus, contribuant à redonner au Beaufort la visibilité qu’il mérite.
Avec ses qualités gustatives remarquables, son terroir préservé et son prix plus accessible que le Comté, le Beaufort est sans conteste l’une des plus belles pépites de la fromagerie française. Ceux qui l’ont goûté ne s’y trompent pas : il mérite une place de choix sur les meilleures tables.